mardi 19 février 2008

L'insoutenable légèreté du placard

Ca fait quelques mois que cela dure...qu'il est doux de se lever à 7h pour être au boulot à 8h30 et regarder patiemment les mouvements rythmés et synchrones des aiguilles d'horloges scander leur inévitable course versune position non pas démissionaire mais de 18h?

La mise au placard s'apparente au vide. L'absence de travail au travail. L'absence de production sur le lieu ou l'on produit. L'absence de contrepartie au salaire. Tiens, j'en voie certains qui haussent un sourcil, l'air intéressés... Compréhensible, qui ne souhaiterai pas être payé contre rien? quelle séduisante idée....payer à rêvasser, surfer sur le web allègrement, et réfléchir de manière libertine à l'intérêt de changer de boite. Car après tout, quel intérêt? Partir dans une entreprise ou un service qui oserai nous demander de travailler en échange du salaire alors que là on a tout sans rien...shocking!! Et puis, quitte à jouer au linguiste, travail ne viens t il pas du terme latin "tripalium" désignant un instrument de torture? Arrivé à ce point on est rassuré, et pleinement convaincu que ce type de relation entre l'employeur et le salarié n'est pas si mauvaise, et est même des plus avantageuse ...

Et puis les jours passent...les horloges égrènent leur sempiternels tours de cadran, les anciens collègues rabachent leurs "alors? la belle vie hein!!" quand ils acceptent de vous parler, l'esprit deviens irritable le soir, et en viens à être obsédé par sa journée...Car en fait, la mise au placard N'EST PAS le versement d'un salaire sans travail en contre partie. car il y a une obligation, une astreinte, un devoir de la part du salarié coupable d'être placé au placard: il doit faire acte de présence. Et cela change tout...Il doit se lever chaque matin aux mêmes horaires et rentrer chez lui à la même heure en un cycle infernal durant lequel il ne doit rien faire...très rapidement il ne maitrise plus rien, doute de tout, se remet en question, tourne en rond dans une sarabande minutieuse, sans échappatoire autre que la sortie de l'entreprise. Perte de confiance, remise en cause de ses capacités et compétences, perte d'estime de soi, ....et une belle route toute droite et même en pente vers la dépression (et à tout le moins la déprime)...L'analogie peut paraitre forte mais s'apparente à un supplice chinois bien connu : le prisonnier allongé sur un lit , un dispositif laisse tomber une goutte d'eau sur son front....d'abord raffraichissante, cette goutte d'eau continuelle est ressenti progressivement comme une douleur intolérable....

Comment cela je suis allé trop loin? N'exagérons rien, c'est vrai que pour moi cela ne fait que 6 mois que ca dure, et s'accompagne de recherche d'emploi en parallèle. Mais quand on a 28 ans, qu'on est débordant de projets, d'idées, de vision de l'avenir et qu'on se retrouve brutalement plongé dans l'incertitude totale de l'avenir, le doute de soi, une impuissance face aux mécanismes destructeurs employés, il est de temps en temps bon de faire une catharsis à travers un blog...

Car le placard est une torture psychologique, une agression directe de la personne. L'homme a besoin de sens pour exister, pour se projeter dans l'avenir. Lui retirer une partie de son sens qu'il acquiert dans son travail , (clé de voute de l'insertion sociale il faut le rappeler) c'est l'expulser de la société, lui faire comprendre qu'il ne fait plus partie d'elle.

Acquérir de nouveau la perception que la vie de l'homme à effectivement un sens quelqu'il soit, est une notion qui dès lors se travaille...Partir en quête de sens...c'est tout ce qu'il lui reste. Mais c'est déjà beaucoup.

Xavier