mardi 3 février 2009

Achille Last Stand

J’adore Led Zeppelin, et tout particulièrement ce morceau extrêmement rythmé et diabolique…. Une ligne de basse infernale, une batterie démoniaque, et un Jimmy Page héroïque à la gratte font de ce morceau une légende du rock.... C’est aussi un symbole, celui de l’excellence, de la virtuosité. Comme celle du joueur de rugby Dan Carter dont le tendon éponyme de la chanson fut fauché en plein vol samedi soir…

On a beaucoup glosé sur les cadences infernales dont il fut victime, sur les pressions économiques, sur le suivi médical, sur la dangerosité de ce sport, je ne reviendrai pas dessus.

Mais on n’a pas encore traité la symbolique de cet acte. Et encore me direz vous, Le pire étant l’avalanche de symboles, voyez plutôt… dans ce match au Stade de France, comme à son habitude , le Stade Français avait multiplié une débauche de spectacles : des danseuses du Pink Paradise, un mini concert d’Emile et Image, des dirigeables chinois, des gens qui retournent des voitures et des pneus…et un spectacle censé représenter L’Illiade et l’Odyssée (pour y avoir été, je comprends pourquoi Homère était aveugle, c’était une bénédiction pour lui)… Le clou du spectacle fut non pas les lazzis vouant au gémonies ce « panem et circense », mais la Tragédie Grecque improvisée dans toute sa splendeur, à la conclusion de ce qui restera un très beau match de rugby.

Du jeu du mouvement au large, des gestes techniques magnifiques, et plus le match durait, plus on admirait la classe absolue de ce joueur d’exception qu’est Dan Carter. Passages de bras, prise d’intervalle, jeu au pied millimétré, passes sur un pas, bref….toute la panoplie artistique de cet Achille Néo Zélandais, qui sublimait ses coéquipeiers qui d'un Maxime Mermoz ou d'un David Marty se sentaient Patrocles.

Tous les commentaires sont d’ailleurs unanimes, il a totalement éclaboussé le match de sa classe jusqu’à étouffer totalement les stars parisiennes que sont Beauxis et Hernandez…Las, le sort fut cruel…Dernière action du match, 80ème minute, histoire d’arracher la victoire, le stratège Catalan voulut relancer des 40 mètres suivi de ses fidèles hoplites…Je ne sais si Apollon ou une des divinités grecques ont guidé les gestes de ces humains bien trop humains, mais le héros, plusieurs fois sacré meilleurs joueur du monde, fut mis à terre, victime d’un choc déchirant son tendon d’Achille au coup de sifflet final. Et pour conclure comme il se doit, le Stade de France entra en éruption par un feu d’artifice…

Cette tragédie sportive au milieu de ce pandémonium délirant doit servir de sonnette d’alarme, d’un coup d’arrêt à ces logiques illogiques, à ces pressions aberrantes ( la précédente jurisprudence Castagnède n’ayant pas servi de leçons) : le rugby est un sport d’hommes, d’êtres humains, qui pour satisfaire l’homo oeconomicus autant que le spectateur lambda, voient de plus en plus leur santé sacrifiée sur l’autel des augures mercantiles et des cadences de galériens de ce sport. Que l’on arrête cette escalade vers un Colisée postmoderne !

J’espère que l’on reverra Dan Carter sur les terrains de rugby, et sous les couleurs de Perpignan. Parce qu’il apporte quelque chose en plus de sa technique éblouissante, de sa classe, de sa vista, de sa gentillesse et de son humilité de tous les instants. De part sa blessure, sa souffrance, et ses larmes, Il nous apporte son humanité au milieu de ce rugby gangrené par le spectacle. Dan Carter nous reviendra, et ce ne sera plus en Achille , mais en Promethée du Rugby.


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