C’est écrit noir sur blanc dans la Constitution de la Vème république : la souveraineté est réputée Nationale, et non populaire. C’est à dire que les parlementaires représentent la Nation et non la population. A ce titre, ils ne disposent pas de mandats impératifs, et ne sont donc pas liés sur ce point. Vous allez voir, ce préambule est important pour la suite…
La Loi création et internet est passée en seconde lecture à l’Assemblée Nationale sur un vote solennel. C’est à dire que sont comptabilisés et précisés les noms des députés qui ont voté pour, contre ou se sont abstenus, classés par partis. Cette procédure n’a rien de bien exceptionnel et s’est produite à d’autres reprises dans l’histoire de l’hémicycle. Cependant, ce n’est pas sur n’importe quel texte qu’elle a eu lieu. Le projet de loi Création et Internet est l’un des textes les plus polémiques de ces dernières années, et a été extrêmement suivi par de nombreux internautes et citoyens. Les multiples rebondissements du processus législatif de ce texte ont même amené certains médias tels que PCInpact ou Numerama a assurer une couverture hors normes de ce texte législatif avec des comptes rendus de débats parlementaires en quasi temps réel. Numerama a même intitulé avec beaucoup d’humour ses articles Hadopi comme si c’était ceux d’une série télévisée (S201, S202, S203…).
Le texte en question a été suivi bien qu’il ne souffrait d’aucun suspense, et pour cause, il est sorti d’un impératif technique présenté comme tel (création d’un arsenal pour protéger le droit d’auteur et les droits voisins) , à un impératif politique, où la majorité devait voter impérativement le texte pour effacer la paire de gifles reçue après le rejet en première lecture. Copé l’avait d’ailleurs affirmé clairement, le fond du débat, le texte est anecdotique, le texte est devenu une nécessité politique.
Cette phrase en apparence anodine et tout sauf surprenante au regard du gouvernement actuel, est pourtant le déclencheur d’une nouvelle pratique, d’une nouvelle perception de la représentation nationale.
C’est tout d’abord la création d’un site internet se voulant pérenne, www.deputesgodillots.info , qui vise à réaliser un comparatif sur les députés, par le nombre d’interventions en séance, les projets de loi présentés, bref, l’activité parlementaire du député. Site que tout un chacun peut consulter et qui potentiellement, est une source de problèmes pour certains députés, dont les administrés apprécieraient sûrement le je-m’en-foutisme total de certains de leurs représentants.
C’est aussi le mailing : 60 courriels en moyenne ont été reçus par les députés lors des débats sur Hadopi. La relation entre le député et ses administrés traditionnellement perçue à travers la distance de l’hémicycle ou la permanence désertée, est devenue cybernétique : la facilité qu’il y a à s’adresser à son député change radicalement la notion de distanciation initialement mise en avant. Les citoyens n’hésitent plus à contacter leur député, même si l’affaire Bourreau-Guggenheim fait l’effet d’une douche glaciale. Cela dit cette affaire au lieu de refréner les ardeurs communicatives des internautes, a fait fleurir une dernière neo-pratique peut être la plus importante : l’internaute ayant été dénoncé par un député, les internautes se mettent à dénoncer leurs députés.
On voit ainsi fleurir ces derniers jours de multiples sites qui reprennent et recensent l’ensemble des votes par député: là, là, là ou bien là, et encore là.... (non vous ne rêvez pas, même le Point et le Figaro l'ont fait). On peut ainsi savoir si son député est en faveur ou non de cette loi,et avec le site députésgodillots évoqué précédemment, si il a réellement suivi les débats, si il est intervenu durant ces derniers et quelle fut sa position dessus.
Ainsi, la loi Hadopi avant même sa promulgation, a déjà produit son premier effet : le flicage des députés. Chaque acte de ces derniers, chaque prise de parole en public, chaque intervention, chaque geste est surveillée à la loupe, par une multitude d’anonymes.
Allons nous vers un mandat impératif de fait ? la question risque de se poser si cette pratique se généralise à l’avenir. On peut ainsi penser que pour les prochaines élections législatives, les citoyens auront à leur disposition, l’ensemble du travail parlementaire de leur député, et ce de manière factuelle. Cela laisse présager de nouvelles relations entre le député et le citoyen. Le vote final de ce dernier ne reposera plus uniquement sur de belles paroles électorales mais sur une confiance, sur un passé, une expérience, des actes factuels.
1984 de George Orwell est plus que jamais d’actualité, mais ce sont les députés qui en sont les premières victimes.
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